« Le repasse-limaces »
Ces douze nouvelles sont une série d’études — au sens musical ou pictural du terme — sur la fonction du narrateur et de son adresse dans le récit. Il en résulte une grande diversité de styles, où se fonde leur unité.
Pourquoi j’ai tué mon éditeur. Une stratégie comme une autre pour se faire éditer.
« Les juges sont des gens pleins d’humour. J’ai tué un homme, revendiqué la préméditation, clairement exposé mes mobiles. On a conclu à un non-lieu. Comme si rien ne s’était passé. Je perds tout le bénéfice de plusieurs années de travail. C’est à désespérer de nos institutions. A défaut de pouvoir faire appel, il ne me reste pas d’autre parti que d’envoyer tous azimuts le présent texte sur le Filet, l’Entrefilet, la Toile, comme on voudra l’appeler, pour tenter de me faire entendre. On verra bien qui rira le dernier. »
Les amants parfaits. L’ultime visée de la passion.
« C’était un garçon comme je les apprécie, sage, réservé, patient, qui ne se laissait point trop fasciner par la vie puisqu’il y avait pour ainsi dire renoncé avant même que de la connaître. Il ne jouait pas avec ses compagnons. Son plus grand plaisir était d’aller se jucher seul sur les rochers les plus occidentaux de Cornouaille, ceux qui touchent presque le soleil au moment où il va se noyer dans l’Océan ; et de guetter les navires qui auraient pu venir d’Irlande, ce bout du monde, disait-il, qui le fascinait déjà et où je le soupçonnais de situer le royaume des âmes libérées de leur pesant limon de chair […] J’étais moins intime avec elle. Il y avait dans sa nature un je ne sais quoi d’ardent, de tendre, de rebelle, qui me la rendait vaguement étrangère. Mais en même temps, je sentais la fleur de mélancolie étendre peu à peu sur elle son capiteux parfum. Si elle eût été une fille de la bruyère et du vent, je n’aurais sans doute rien pu pour elle. Mais son âme de feu, recluse entre les murailles du château de son père, faisait d’elle une princesse malheureuse à qui je pus proposer la fraîcheur apaisante et secourable de mes nuits. Elle devint ma plus fidèle prêtresse. »
Une féconde défaite. Des raisons de ne pas désespérer de ces étranges créatures qu’on appelle les hommes.
« Tu n’avais jamais regardé ta nudité que comme un défaut de vêtements. Tu la découvrais vivante, chaude et fière, heureuse et pure, vibrante de retenue offerte, d’amoureuse chasteté qui balayait comme duvet au vent tes plus audacieux rêves de jeune fille. Ta peau s’était mise à rire comme une caresse de printemps et tes lèvres, toutes tes lèvres assemblées dans un aveugle et doux baiser t’apprenaient combien sans l’alchimie des corps le sacré se dessèche et la foi se raidit d’avoir manqué la grâce. Et tes mains : toutes tes mains déployant ta prière sur ce corps d’homme, cette souple chair étrangère qui n’en finissait pas de respectueusement t’aimer ! »
La Violette et la rose. UNE LETTRE ÉCRITE PAR UN PERSONNAGE D’OPÉRA AU HÉROS D’UN AUTRE OPÉRa
Je n'avais jamais encore raconté cette histoire à personne. Seul mon père en connaissait tous les détails. Nous n'étions que tous les deux, avec le docteur qui l'avait soignée et sa fidèle domestique, pour l'accompagner au cimetière. Longtemps j'y suis retourné tous les jours ; et puis une fois, j'ai oublié. J'en ai éprouvé du remords. L'oubli s'est répété et, chaque fois, cela me semblait moins grave. Enfin est venu le jour où, au moment d'y aller, j'ai dû m'avouer la mort dans l'âme que je n'en avais pas envie. Je m'y suis rendu tout de même, mais devant la tombe j'étais ailleurs, et j'ai erré tout l'aprèsmidi dans Parie à la recherche de ce que j'avais perdu. Voilà des mois que je n'y suis pas retourné
Les petites marionnettes. Un pari stupide.
« Le soleil ricochait à travers les feuillages sur son profil de médaille. Le coin de ses lèvres tremblait un peu. Doucement je l’ai nommée. Je voulais caresser de ma voix des endroits que nul encore n’avait touchés. Elle a baissé la tête. Je lui ai dit la mer dans ses yeux, l’appel du large, l’ivresse du marin découvrant un beau matin la ligne des collines à l’horizon ; mais aussi les orages de la passion, la soif salée des corps, la quête éperdue de l’âme soeur brûlant dans un buisson ardent. Elle semblait flotter dans mes paroles. »
Détresse. Appel d’une solitude à d’autres solitudes.
« Il s’est, non sans mal, introduit dans la petite société qui virevoltait autour de moi. Il y faisait figure d’un éléphant boudeur essayant d’attraper des papillons pour leur apprendre les lois de la pesanteur. On ne manquait pas d’être d’abord séduit par sa profondeur et sa droiture, avant d’apercevoir à l’aulne de quel vide se mesurait leur exigence. Il faisait querelle à chacun de l’indigence de sa vie, quand rien d’autre ne remplissait la sienne que cette bataille. C’était un infirme des relations humaines, qui s’offrait en modèle pour me guérir de ma boiterie avec les hommes. Ma solitude me terrifiait ; lui me proposait la sienne pour toute société. »
Hibou du bout du monde. Une errance dans des lambeaux de conscience crépusculaire.
« La lande n’en finissait pas de frissonner à l’approche de la nuit. Il s’arrêta. Derrière lui, la mer et le ciel desserraient lentement leur étreinte. Combien de fois avait-il déjà fait ce trajet ? Il lui semblait pourtant s’aventurer dans l’inconnu. D’habitude, l’ombre qui le gagnait lui était familière ; il s’y enfonçait sans crainte, certain de ce qu’il trouverait au bout de ses pas : une chaude et lumineuse promesse, à laquelle il s’abandonnait d’avance en souriant. Rien de tel aujourd’hui. Personne ne l’attendait. Il reprit sa marche. »
Contre toute attente. Les conséquences d’un acte manqué.
« Tu sais combien je suis fâchée avec les dates, et que je vis sans agenda ni montre. Je m’embrouille dans les jours, et j’arrive en retard partout. C’est ma liberté. Elle me joue parfois des tours, mais je ne peux pas m’imaginer contrainte d’attendre quelqu’un, ou même d’aliéner à l’avance une part de mon avenir que, le moment venu, je n’aurai pas forcément envie de passer avec lui. Je donne des rendez-vous, parce qu’il faut bien amorcer le poisson ; mais la grande pécheresse que je suis ne pêche que lorsque bon lui semble.
Au bord de l’horizon. Plaisir et servitude de la vie de plage.
« Je vais d’abord m’allonger sur le dos. Dix minutes. Quand je serai sèche je me mettrai de la crème, j’enlèverai mon soutien-gorge et je me ferai bronzer en baissant mon maillot jusque… on verra bien. C’est toujours délicat d’apprécier jusqu’où je peux le descendre sans avoir l’impression de montrer mes fesses. Les hommes sont assommants. Qu’est-ce qu’ils peuvent bien trouver d’exaltant à des fesses, ça restera toujours pour moi un mystère impénétrable. »
Méditation. Dérapage incontrôlé d’un philosophe de formule 1
« Dieu sait-il qu’il n’existe pas ? La question avait frappé Christian de plein fouet, surgie toute armée d’il ne savait quelle lointaine colonie de sa pensée et entrée de force dans son crâne, juste entre les deux yeux, avec la dernière brutalité. »
Un génie méconnu. Ce que devient le monde quand les mots sont fêlés.
« Il avait fallu à Monsieur Pierre toute l’acuité d’une clairvoyance hors du commun pour déceler l’anomalie dans le salut que lui avait adressé ce matin-là son chef : Bonjour, « Monsieur Pierre ! » C’était rien moins qu’une mise entre guillemets, peut-être même avait-il lancé ce bonjour en italiques, pour mieux insister sur l’intention blessante. Un silence ironique et gêné s’en était suivi, ce qui ne laissait aucun doute sur la manière dont il fallait interpréter l’événement.»
Léna. Un cauchemar de ministre: fiction réaliste.
« Cette nuit, Léna a rêvé. Ce n’est pourtant pas son genre. Un vrai cauchemar. Elle était à l’Assemblée, à l’heure du vote de son projet de loi sur la privatisation de l’Etat. Sous la grande pyramide, l’atmosphère était électrique. Pour leur dernière rentrée parlementaire, les députés inauguraient ce nouvel hémicycle destiné à devenir le siège du futur Conseil d’Administration. Durant le mois précédent, une grande vente aux enchères avait permis de se débarrasser de la plupart des produits surannés d’une culture désormais obsolète, vendus aux investisseurs des pays émergents ; et la semaine dernière, on avait soldé les derniers statuts de fonctionnaires encore en place. Dans toutes les salles l’espace était libre pour les fresques statistiques et les sculptures informatiques, taillées à même le plastique pour offrir une féconde matrice scientifique au déchaînement des grandes orgues de la communication. Par le biais d’espions vidéo camouflés sur tout le territoire, qui reléguaient le temps des écoutes téléphoniques à une lointaine préhistoire, on allait enfin voir ce qu’on allait voir. »
131 pages
Prix public : 15 €
La guerre de Troie est le mythe fondateur de la culture grecque. Les neuf nouvelles réunies dans ce livre ont entre elles un lien organique : chacune présente un personnage essentiel de la mythologie grecque jouant un rôle primordial dans cette guerre où s'affrontent les humains et les dieux pour la suprématie d'une civilisation sur une autre. Nous sommes les héritiers de cette mythologie qui ne cesse de nous travailler, le plus souvent à notre insu.
L'Amour et la gloire évoquent le choix qu'a dû faire Achille, à qui un oracle avait prédit qu'il mourrait devant Troie s'il participait à la guerre, ou qu'il jouirait d'une longue existence obscure dans le cas contraire.
Ravages de la beauté présente Aphrodite comme la plus puissante et la plus dangereuse des déesses, dans la mesure où elle peut condamner quelqu'un à aimer passionnément sans retour, jusqu'à la mort ou la folie, ou au contraire à être harcelé par un poursuivant qui l'a élu comme objet d'amour.
Une femme double montre toutes les ambiguïtés d'Hélène qui, en quittant son époux Ménélas pour s'enfuir avec Pâris, déclenche la guerre de Troie, mais se sent solidaire des deux camps, et les trahit tour à tour.
Lignée maudite, c'est celle de Tantale, qui commit le crime de servir son fils Pélops comme viande au banquet qu'il offrait dieux. Tous ses descendants en traînent l'opprobre comme un boulet, et doivent en payer le prix, d'une manière ou d'une autre.
Le bouvier amoureux d'un buisson est le plus beau dieu de l'Olympe, le plus artiste, mais peut-être aussi celui qui accumule le plus les déconvenues amoureuses. Un Casanova divin.
Une femme triste : le pendant d'Hélène, faite d'une seule pièce, aussi fidèle que l'autre est une dévoreuse d'hommes. Et pourtant… La guerre terminée, chacune prendra peu ou prou le chemin de l'autre.
La raison en armure est une déesse guerrière sortie du crâne de Zeus, et qui se prétend sans mère. Une déesse farouchement vierge, qu'il ne fait bon ni affronter, ni chercher à séduire.
Roublardise héroïque développe la vie d'Ulysse, l'un des plus vaillants héros de la guerre de Troie, sans doute le plus intelligent, le plus calculateur ; mais pas le plus honnête.
La fuite fondatrice : un destin parallèle et opposé à celui d'Ulysse. Celui-ci, l'un des vainqueurs de la guerre, peine durant dix longues années à retrouver son île natale. Énée, l'un des rares guerriers troyens survivants, erre aussi sur les mers à la recherche de son but. Mais il ne s'agit pas pour lui d'un retour : bien au contraire, il quitte sa ville en flammes pour la refonder ailleurs
97 pages
Prix public : 12 €
Lorsque naît un enfant, sa licorne en bondissant se sépare de lui pour le précéder dans l’invisible. Il ne la rattrapera qu’au moment de mourir. Seul peut la voir le Phénix, familier des espoirs sans trêve renaissants.
Le Phénix est un oiseau fabuleux qui appartient à la mythologie gréco-romaine, mais a des origines égyptiennes et orientales. Il est surtout connu pour, après une très longue vie, se consumer à sa mort et renaître de ses cendres. L'étendue géographique des légendes mettant en scène une licorne est à peu près la même ; dans le Moyen Âge chrétien, sa silhouette s'est fixée comme un animal intermédiaire entre le cheval et la chèvre, portant une unique corne au milieu du front, longue, pointue et spiralée ; elle peut être féroce, tout en symbolisant la pureté, la virginité et la grâce. En général, ces deux animaux fabuleux n'apparaissent pas dans les mêmes légendes.
Les nouvelles présentées ici ont entre elles un lien organique. Elles confrontent, chacune à leur manière, les symboles attachés à ces deux figures mythiques.
Un défunt s'adresse à l'assistance réunie pour ses obsèques.
Un message ambigu enfermé dans une bouteille.
Le délicat passage de l'adolescence à l'âge adulte.
Naissance d'un écrivain.
L'enfant que ne parvient pas à altérer le vieillissement.
88 pages
Prix public : 11 €
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